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Covid-19 | Les monnaies digitales de banques centrales restent une priorité

La publication par la Banque de France, le 29 mars 2020, d’un appel à candidature pour expérimenter un euro digital de banque centrale  vient attester de l’importance stratégique que revêt le sujet pour les instances de régulation financière, et ce même en période de crise sanitaire et économique. Le projet avait été annoncé depuis fin 2019 par le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, en réponse à l’initiative Libra et aux différents travaux menés par le G20 et du G7 sur le sujet des jetons à valeur stable (ou « stablecoins ») .

Cet appel à candidatures était donc attendu. Toutefois, le maintien de sa publication dans le contexte actuel inédit lié au nouveau coronavirus  confirme le souhait des instances économiques dirigeantes de continuer à positionner la France comme une juridiction pionnière et de référence en matière d’innovation financière et d’actifs numériques. Cette publication confirme également la nécessité d’explorer, en particulier en temps de crise, comment les nouvelles technologies pourraient œuvrer pour une meilleure efficacité du système financier actuel.

Le champ de l’expérimentation annoncée par la Banque de France vise la monnaie centrale, c’est-à-dire la monnaie directement émise par une banque centrale. Il ne s’agit pas de remplacer les formes existantes de la monnaie centrale (qui se matérialise à la fois par les pièces et les billets en circulation et par la monnaie commerciale détenue par les établissements bancaires), mais bien « d’identifier comment les technologies innovantes pourraient améliorer l’efficacité et la fluidité des systèmes de paiement et des infrastructures financières, pour un meilleur secteur financier au service du bon financement de l’économie ». En ce sens, cette expérimentation vise notamment à accompagner le mouvement de « tokénisation »  des actifs financiers (Security Tokens) et non financiers (Utility Tokens) qui s’est intensifié ces dernières années.

L’objectif poursuivi par cette expérimentation est triple. Il s’agit (i) de tester, en lien avec la Banque de France, des cas d’usage du recours à une monnaie centrale digitale ; (ii) d’évaluer les impacts du recours à cette monnaie centrale digitale pour les infrastructures de marché ; et (iii) d’analyser les conséquences macroéconomiques, monétaires et financières, et juridiques de l’introduction d’un tel outil digital. L’expérimentation envisagée par la Banque de France recouvre trois cas d’usage :

  • le premier consiste au paiement, par le biais d’un jeton (ou tout autre procédé de dématérialisation), en monnaie centrale contre la livraison d’instruments financiers cotés ou non cotés ;
  • le second au paiement, par le biais d’un jeton (ou tout autre procédé de dématérialisation), en monnaie centrale contre la monnaie digitale d’une autre banque centrale ; et
  • le dernier au paiement, par le biais d’un jeton (ou tout autre procédé de dématérialisation), en monnaie centrale contre des actifs numériques .

La Banque de France précise qu’elle « ne fera pas de création monétaire dans le cadre des expérimentations. Le jeton reflétant le montant en euros sous forme numérique sera détruit à l’issue de la journée comptable durant laquelle le paiement aura été réalisé ».

La Banque de France n’est pas prescriptive dans son cahier des charges et n’impose aucune technologie pour l’expérimentation, respectant ainsi le principe de neutralité technologique qui préside depuis plusieurs années aux travaux règlementaires et législatifs en matière d’innovation financière. Le caractère innovant de la technologie constitue toutefois un critère discriminant.

L’appel à candidatures est ouvert jusqu’au 15 mai 2020 (15 h) et s’adresse aux institutions financières européennes et de l’Espace économique européen.

Avec cet appel à candidature, la Banque de France se positionne comme une institution pionnière au sein de la zone euro en affichant ouvertement son ambition sur un sujet stratégique au moment même où, justement, de nouvelles questions en matière de politique monétaire occupent le débat public. Il s’agit également d’une opportunité pour les institutions financières (notamment françaises) de faire valoir leur expertise et de légitimer les projets en cours, notamment dans l’univers des instruments financiers « tokénisés ».

Le numérique pourrait ainsi se hisser au premier rang des outils dont disposeront les banques centrales dans leurs réflexions et dans la préparation de leurs plans stratégiques qui devront être mis en place construits au cours des prochains mois, à l’issue des périodes de quarantaine et à l’aube d’une nouvelle ère économique.

Lien vers l’appel à candidature.